30 mars 2015
Pour diffusion immédiate
Aujourd’hui, alors que le Comité permanent de la Chambre des communes de la sécurité publique et la sécurité nationale commence son examen article par article du Projet de loi C-51 (Loi antiterroriste, 2015), sept des principales organisations de défense des droits humains du Canada ont demandé à nouveau son retrait de l’ordre du jour.
Dès le début des audiences du Comité le 9 mars 2015, des témoins experts représentant une vaste gamme de points de vue et d’opinions se sont dits préoccupés par ce Projet de loi. À mesure que les Canadiens comprennent mieux ce qu’il représente, on note une montée des inquiétudes et de l’opposition du public, comme le montre le nombre croissant des gens qui participent aux manifestations et qui signent des pétitions et des lettres. Entre-temps, des éditoriaux et commentateurs représentant toutes les tendances de l’échiquier politique continuent de critiquer le C-51, ainsi que le cadre utilisé pour son examen au Parlement.
Dès l’annonce du C-51, Amnistie internationale, l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, l’Association canadienne des libertés civiles, l’Association canadienne des avocats musulmans, l’International Civil Liberties Monitoring Group, la Ligue des droits et libertés et le Conseil national des musulmans canadiens ont déclaré que les atteintes aux droits humains y étaient si nombreuses et qu’elles étaient liées de façon si inextricable que son retrait s’imposait. Ces organisations ont déclaré qu’avant toute reforme des lois sur la sécurité nationale, il fallait d’abord en démontrer la nécessité de manière convaincante et que si le gouvernement décidait d’aller de l’avant, il devait le faire d’une façon totalement harmonisée avec la Charte de droits et libertés et conformément aux obligations internationales du Canada en matière de droits humains.
« Toute loi qui accepte comme prémices qu’en réponse aux menaces touchant la sécurité du Canada, il est pertinent et acceptable d’accorder au SCRS des pouvoirs juridiques explicites qui l’autorisent à violer la Charte des droits, et qui tente de donner un air de légitimité à ce processus en donnant aux juges le pouvoir d’autoriser de telles infractions à la Charte, eh bien, cette loi part sur un bien mauvais pied », proteste Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada (section anglophone). « On ne peut défendre la sécurité nationale en invitant des juges à se porter garants d’infractions contre la Charte. Le Projet de loi C-51 fait fi de l’importance primordiale des droits humains pour le maintien de la sécurité nationale et pour cette raison, il doit être retiré. »
« Le Projet de loi C-51 mérite un débat authentique, approfondi et sérieux. Malheureusement, ceux qui l’ont critiqué ont souvent été la cible d’attaques partisanes mettant en cause leur volonté de protéger le Canada du terrorisme. Il semble qu’on observe une fâcheuse tendance à répondre à toute critique sérieuse du C-51 en attaquant la crédibilité des porte-parole », déplore Carmen Cheung, conseillère juridique principale de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. « Il ne fait aucun doute que liberté et sécurité doivent marcher main dans la main et pour cette raison, l’efficacité du C-51 à assurer la sécurité du public reste à démontrer. Nous croyons que, compte tenu des graves dangers qu’il représente pour les libertés civiles et les droits humains, ce Projet de loi doit être retiré. »
« Dans l’ensemble, les audiences du Comité n’ont offert qu’un bien mince aperçu de la question, tout à fait inapproprié pour présenter aux Canadiens – et même aux membres du Comité – une explication adéquate des pouvoirs inédits proposés par le C-51, ainsi que pour montrer le changement radical qu’il constitue par rapport au cadre législatif actuel régissant les questions de sécurité nationale », déclare Sukanya Pillay, avocate générale et directrice exécutive de l’Association canadienne des libertés civiles. « On demande aux Canadiens de faire confiance aux autorités et de croire qu’elles ne permettront pas que les pouvoirs excessifs et la portée démesurée du C-51 aient des effets néfastes pour les gens du public qui respectent les lois, même si ces pouvoirs sont si étendus qu’ils font le lit de toutes sortes de dérives. En fait, le C-51 ne comporte aucune disposition juridique substantielle limitant celles-ci. Or, c’est le devoir de nos parlementaires de rédiger des lois claires et précises, assorties de mécanismes d’imputabilité appropriés, surtout si la sécurité et la liberté sont en jeu. Pour ces raisons, ce Projet de loi doit être retiré. »
« Nous avons insisté sur le fait que le Projet de loi C-51 est farci de clauses qui violent la Charte des droits et d’autres dispositions des lois canadiennes. Tel est le message qui a été répété maintes fois par des sommités juridiques des milieux universitaires, d’anciens parlementaires et de nombreux autres experts qui ont témoigné devant le Comité. De plus, le gouvernement a refusé de divulguer les avis juridiques qu’il a reçus de ses propres conseillers juridiques quant à la conformité du Projet à la Charte, » note Ziyaad Mia, de l’Association canadienne des avocats musulmans. « Pourquoi le gouvernement est-il donc si déterminé à promouvoir des lois controversées qui seront sans doute à l’origine d’une pléthore de litiges dont le règlement nécessitera beaucoup de temps, et qui entraîneront presque certainement l’invalidation de grands pans de celles-ci? Les Canadiens s’attendent à mieux, et ils le méritent; ce Projet de loi doit être retiré. »
« Au tout début, les Canadiens ont manifesté un important appui au C-51, car, selon la plupart de ses promoteurs, il s’agissait d’un instrument qui donnait aux organismes canadiens d’application des lois et de protection de la sécurité les pouvoirs nécessaires pour prévenir le terrorisme », explique Roch Tassé, coordonnateur national de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles. « Or, cet appui populaire s’est dégonflé rapidement et de façon spectaculaire à mesure que les hommes, femmes et jeunes gens de tout le pays ont compris la signification du C-51, et ce, en dépit des efforts du gouvernement pour le faire adopter à toute vapeur, notamment en limitant la durée de la période d’examen et les occasions d’en évaluer les véritables enjeux. Les appuis pour ces mesures draconiennes sans précédent sont en chute libre, et il est clair que ce Projet doit être retiré. »
« Parmi les nombreux et graves problèmes qui ont fait surface pendant les audiences, il faut noter les inquiétudes des nations autochtones, des groupes environnementaux, des milieux du travail, des organisations de défense des droits humains et d’autres groupes, qui soutiennent que le C-51 menace le droit de manifester au Canada, car il n’accorde une protection explicite qu’à ceux qui participent à des manifestations jugées « légitimes », constate Dominique Peschard, président de la Ligue des droits et libertés. « À ceux qui s’inquiétaient de cette lacune devant le Comité, le gouvernement répondait qu’ils étaient mal renseignés et que ces nouveaux pouvoirs ne seraient jamais utilisés de façon abusive. Or, ces promesses sonnent creux parce que de toute évidence, le gouvernement ne semble pas vouloir mettre en œuvre un robuste mécanisme de surveillance et d’examen susceptible d’évaluer adéquatement l’efficacité et la légalité des activités de sécurité nationale au Canada. Ce Projet de loi doit donc être retiré. »
« Compte tenu de l’impact disproportionné qu’ont eu les mesures de sécurité et les lois antérieures sur les musulmans du Canada, il n’est pas étonnant que ceux-ci craignent de devenir les victimes indirectes de ce filet de pouvoirs illimités ou du partage sans restriction des renseignements personnels, voire même d’être visés directement par des mesures d’examen iniques », avertit Ihsaan Gardee, directeur exécutif du Conseil national des musulmans canadiens. « Alors que le gouvernement aurait dû tenter d’apaiser ces inquiétudes légitimes, nous avoir été témoins de tentatives de marginalisation des musulmans canadiens et de leurs institutions, ainsi que d’interprétations erronées à leur sujet. En effet, pendant les audiences du Comité, au Parlement, dans les médias et au cours d’événements publics, des élus, des sondeurs et d’autres commentateurs de la scène politique ont vilipendé les musulmans du Canada et les organisations qui les représentent. Nous avons entendu des commentaires incendiaires, discriminatoires ou même carrément faux concernant ces gens, leurs croyances ou leurs sympathies, et nous avons été témoins de tentatives répétées d’amalgame de l’Islam et des musulmans avec le terrorisme. Par de tels agissements, on a exploité cyniquement les préjugés populaires et on a tenté de semer la peur et la méfiance au sein du peuple dans le seul but de faire des gains politiques. Ce Projet de loi ne peut que créer un faux sentiment de sécurité, alors qu’il devrait jeter les bases d’un cadre de travail facilitant une saine collaboration avec des communautés qui contribuent déjà au maintien d’un Canada fort et sécuritaire. C’est pourquoi ce Projet de loi doit être retiré.»
Contacts pour les médias:
Amnesty International Canada (English Branch): John Tackaberry, 613.744.7667, poste 236
Amnistie international Canada francophone: Anne Sainte-Marie, 514.766.9766, poste 230
BC Civil Liberties Association: Carmen Cheung, Senior Counsel, 604.630.9758
Canadian Civil Liberties Association: Patrick Mott, 905.903.4576
Canadian Muslim Lawyers Association: Ziyaad Mia, 416.303.9535
Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles: Roch Tassé, Coordonnateur national, 613.241.5298
La Ligue des droits et libertés: Lysiane Roch, 514.715.7727
National Council for Canadian Muslims: Ihsaan Gardee, Executive Director, 613.254.9704
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